Portrait de son Altesse sérénissime
le Prince souverain

Afin de limiter les coûts et la pression fiscale des Sujets de la Principauté, notre envoyé spécial au Palais du Prince souverain a repris la plupart des questions qu'un certain Proust Marcel se posait à lui-même. L'entretien s'est déroulé en toute convivialité parfaite dans un climat de parfaite convivialité.
Une question, une seule fera l'objet d'un prochain dossier spécial : « Son Excellence excelle pour financer (sans essorer ses Sujets) ses revues, ses magazines, ses tracts et les affiches à Sa Gloire, pourrait-Elle faire de même pour les écoles, les crèches, la voierie, la vidéosurveillance et le sport ? »
- Votre vertu préférée
- L'harassement et l'arasement.
- Votre principal trait de caractère
- Je suis inodore.
- La qualité que vous préférez chez vos Sujets
- La grégarité.
- La qualité que vous préférez chez vos Sujettes
- Leur quête du gendre idéal.
- Votre principal défaut
- La lenteur. À 18 ans, Alexandre avait déjà conquis le monde.
- Votre principale qualité
- Savoir choisir mes ennemis.
- Ce que vous appréciez le plus chez vos amis
- Qu'ils se fassent discrets.
- Votre occupation préférée
- L'assignation.
- Votre rêve de bonheur
- Que la médiocrité de mes ennemis soit supérieure à la mienne.
- Quel serait votre plus grand malheur ?
- Retomber sur mes pattes.
- À part vous-même qui voudriez-vous être ?
- Le prochain qui me barre vraiment la route.
- La couleur que vous préférez
- Brune.
- La fleur que vous aimez
- Rafflesia arnoldii. Elle en impose tant par la taille que par ses remugles.
- L'oiseau que vous préférez
- Le dodo.
- Vos auteurs favoris en prose
- Le rédacteur de la Constitutio Criminalis Carolina
- Vos poètes préférés
- Aragon pour son poème « Il revient. »
- Vos héros dans la fiction
- Gilgamesh.
- Vos héroïnes favorites dans la fiction
- J'aurais dit Cadichée, mais ce n'est pas de la fiction.
- Vos compositeurs préférés
- Wagner. Quand je l'écoute, j'ai envie d'envahir Matignon.
- Vos peintres préférés
- La brigade antitag de Banasnières.
- Vos héros dans la vie réelle
- Georges double-vé Bush.
- Mes héroïnes préférées dans la vie réelle
- Hilary Clinton.
- Vos héros dans l'histoire
- Alcibiade, Torquemada.
- Votre nourriture et boisson préférée
- Le Champagne, c'est fini. Vive les Pommes.
- Ce que vous détestez par-dessus tout
- L'angélisme.
- Le personnage historique que je vous n'aimez pas
- Socrate. Il buvait de la ciguë. Moi je bois du petit-lait.
- Les faits historiques que vous méprisez le plus
- Les élections perdues.
- Le fait militaire que vous estimez le plus
- Le général Vo Nguyen Giap à Diên Biên Phú.
- La réforme que vous estimez le plus
- La farce de l'abolition des privilèges m'inspire tous les jours dans le calcul de mes taux.
- Le don de la nature que vous voudriez avoir
- Une certaine idée de Banasnières.
- Comment aimereriez-vous mourir
- Avant que mes amis ne m'enterrent vivant.
- L'état présent de votre esprit
- Inquiet. Quelles conneries vont encore me pondre mes courtisans et mon Ministre d'État !
- La faute qui vous inspire le plus d'indulgence
- Celle qui me sert.
- Votre devise
- Abuser sans user.
- Vous rendez visite à vos Sujets ?
- J'aime la politique friction.
- Vous avez des animaux de compagnie ?
- Deux enfants : le petit Hybris et ma grande Némésis.
Propos recueillis par Lacombe Lucien.
(*)
Il revient ! Les vélos, sur le chemin des villes,
Se parlent, rapprochant leur nickel ébloui.
Tu l'entends, batelier ? Il revient. Quoi ? Comment ? Il
Revient ! Je te le dis, docker. Il revient. Oui,
Il revient. Le wattman arrête la motrice :
Camarade, tu dis qu'Il revient, tu dis bien ?
Et l'employé du gaz interroge : Maurice
Reviendrait ? Mais comprends, on te dit qu'Il revient,
Maurice. Je comprends, ce n'est donc pas un rêve ?
Les vestiaires sont pleins de rumeurs : vous disiez,
Il revient... Ces mots-là sont une lampe que lèvent
Les mineurs aujourd'hui comme au jour de Waziers.
Il revient... Ces mots-là sont la chanson qu'emporte
Le journalier, la chanson du soldat, du marin.
C'est l'espoir de la paix et c'est la France forte,
Libre et heureuse. Paysan, lance le grain.
O femmes, souriez et mêlez à vos tresses
Ces deux mots-là comme des fleurs jamais fanées.
Il revient. Je redis ces deux mots-là sans cesse.
NDLR : nous ne savons pas de quel Maurice il s'agit.